5 Questions à ... Alexandre Langlois

“La Police et les Dérives Autoritaires”

Crédit photo : Thinkerview

Question 1 : Quelles sont les raisons qui vous ont poussées à quitter la Police Nationale ?

 

Lorsque je me suis engagé dans la Police nationale, j’avais à l’esprit deux maximes de Jean-Jacques Rousseau : « Il n’y a que la force de l’État qui fasse la liberté de ses membres » et d’autre part « que seule l’obéissance à la loi que l’on s’est prescrite est liberté ».

Or aujourd’hui, je constate qu’il n’est plus question pour le peuple d’obéir aux lois auxquelles il a lui-même consenti et que le rôle de sa police n’est plus de protéger ses libertés, mais plutôt de toutes les annihiler, comme le ferait le plus vil des oppresseurs.

Je quitte un métier que j’aimais, car nos politiques ont fini de dénaturer la noble mission pour laquelle je m’étais engagé.

Je quitte la Police nationale pour les mêmes raisons que j’y suis entré : la défense des libertés individuelles et de l’intérêt général.

Question 2 : Quels dysfonctionnements structurels avez-vous pu observer et théoriser au sein de la Police ?

 

Une organisation qui structurellement dissimule les problèmes, plutôt que de les résoudre.

Prenons comme exemple le suicide des policiers. « L’explication n’est pas conjoncturelle, elle est structurelle » avouait l’ancien directeur général de la Police nationale (DGPN), M. Éric MORVAN, lors de son interview par Elise LUCET, dans Envoyé Spécial de juin 2019.

Cependant ce DGPN avait réglé ce problème suicides par un plan com’ de barbecues conviviaux. Tous ceux qui ont osé critiquer cette solution miracle ont le droit à des procédures disciplinaires et/ou pénale, avec un IGPN rendant des conclusions conforment aux attentes de leur directeur.

Il en va de même pour les personnes voulant dénoncer des délits, comme un usage illégal de la violence, des propos racistes, des agressions sexuelles, etc.

Structurellement l’institution Police fait le choix de protéger des délinquants en son sein, au motif de ne pas ternir son image. Néanmoins casser le thermomètre n’a jamais fait tomber la fièvre.

Question 3 : Selon vous, quel est l’effet de la violence policière déployée face aux mouvements sociaux ?

 

Ce qui a été déployé est plus précisément la violence de l’Etat policier. Violence revendiquée par le sommet de l’Etat, par la bouche de Mme Sibeth NDIAYE, alors porte-parole du gouvernement : « si provoquer de la violence, c’est faire les réformes pour lesquelles on a été élu, ça j’assume. »  

Cette violence étatique est bien loin de l’idéal démocratique français. Louis BLANC, le 4 juin 1874, s’exprimait ainsi à l’Assemblée Nationale : « le suffrage universel est l’instrument d’ordre par excellence. Parce qu’en faisant de la Loi l’œuvre de tous, il l’impose au respect de tous (…) et dispense de recourir à l’emploi de la force matérielle ».

L’effet de ces violences a été un affaiblissement de notre démocratie, un affaiblissement du débat public.

Question 4 : Quel est votre opinion sur le projet de Loi de Sécurité Globale ?

 

Ce projet est la légalisation de l’affaire BENALLA.

D’abord l’interdiction de filmer les policiers, n’est pas faite pour protéger les fonctionnaires. Les lois actuelles ont permis une condamnation à 17 mois de prison ferme d’une personne filmant et divulguant des informations personnelles sur une policière pour lui nuire. Donc 5 mois de mieux que le maximum de M. DARMANIN.

Cette interdiction de filmer permet de protéger les miliciens du gouvernement qu’ils soient policiers ou agent de sécurité privé comme Alexandre BENALLA. Demain toute personne déguisée en policier pourra commettre toutes les exactions qu’elle veut.

De plus, le transfert des missions régaliennes à des agents de sécurité privée est exactement ce que voulait faire M. MACRON à l’Elysée en remplaçant sa protection de fonctionnaire de citoyens, au service de l’intérêt général par des BENALLA, au service de l’argent, contre les citoyens.

Enfin il y a la possibilité de filmer par drones sans aucun contrôle et surtout sans sanction pour les pouvoirs publics en cas de non-respect de l’utilisation des données ou de leur durée de conservation. Dans l’affaire BENALLA, le conseiller spécial de M. MACRON, M. EMELIEN avait diffusé illégalement des vidéos de surveillance de la Préfecture de Police de Paris sur les réseaux sociaux LREM, pour décrédibiliser les personnes agressées.

 

Question 5 : Pouvez-vous nous expliquer ce qu’est le Projet “IGPN-Citoyen” ?

 

La première proposition de l’association est de créer un organe composé aux 2/3 de citoyens et 1/3 de spécialistes. Ce modèle s’inspire d’expériences européennes et du fonctionnement des cours d’assises composées de magistrats et de jurés citoyens.

Un organe de contrôle indépendant permettrait :

–          De la transparence dans les enquêtes et les sanctions, pour soit expliquer le comportement des policiers de façon pédagogique, soit condamner un manquement. Cette transparence permet de renouer le lien de confiance entre la population et les policiers.

 

–          Libérer la parole des policiers, qui ne peuvent pas aujourd’hui refuser un ordre illégal, dénoncer des délits commis par une minorité de collègue, car la hiérarchie veille à sa carrière, en sanctionnant les fonctionnaires intègres pour un manque de loyauté, un manque au devoir de réserve ou encore avoir porté atteinte au crédit et renom de la Police nationale, non en commettant des exactions, mais en les dénonçant.

 

–          Des audits pour améliorer la qualité du service public de la sûreté, qui est un droit à valeur constitutionnel.

 

Pour que ce concept soit imposé dans les débats, www.igpn-citoyen.com s’est donné pour objectif de rassembler 30 000 soutiens sur son site, pour inciter fortement le ministre de l’Intérieur à nous inviter au Beauvau de la sécurité.

 

Propos recueillis par Myriam POMMELEC – Février 2021