5 Questions à ... Framasoft
“Multimédias et Technologies : risques, dérives ou bienfaits sur la société”

Question 1 : Pourriez-vous nous décrire ce qu’est Framasoft et son objectif ?
Framasoft est une association d’éducation populaire aux enjeux du numérique.
On file de beaux hochets numériques aux gens sans leur en expliquer les implications.
Framasoft s’efforce de le faire, et de démontrer qu’il existe des outils informatiques “propres”.
On ne s’arrête pas au numérique, le partage du savoir et la culture libre sont importants pour nous. Pour tenter de démontrer que c’est possible de créer et de laisser tout un⋅e chacun⋅e réutiliser et remixer l’art, on a aussi créé une maison d’édition, Framabook.
Notre mode d’action, c’est donc de montrer par des projets très concrets (une maison d’édition et ses bouquins, par exemple) qu’on peut libérer les savoirs et émanciper nos pratiques en passant du paradigme de la propriété (intellectuelle) à celui des communs.
Question 2 : À votre avis, quels sont les bienfaits du numérique sur la société; et à contrario, quels sont les risques et dérives que cela peut engendrer ?
On va pas se mentir : la démocratisation du numérique est une révolution aussi importante que celle de l’imprimerie. Cela permet de relier les personnes et leurs connaissance à une vitesse folle. Le problème c’est que (nous, humain·es) on n’est pas prêt·es.
Ce n’est pas le numérique qui procure des bienfaits ou des inconvénients, c’est l’écart entre celle et ceux qui savent s’en servir et celle et ceux qui ne savent pas. D’où l’importance de faire de l’éducation populaire.
C’est vrai avec toutes les technologies, et même avec tous les savoirs humains. Tu as moins de soucis avec ta bagnole, ou ton vélo, si tu sais les réparer toi-même. Tu ne mourras pas de faim si tu sais t’occuper d’un potager, pas de froid si tu sais faire du feu.
Robinson, il serait bien avancé, avec le dernier iPhone.
Question 3 : De quelle manière l’esprit du Libre permet-il d’améliorer notre société ?
L’esprit des hackers, c’est un peu les bases d’une société respectueuse et qui fonctionne.
J’ai compris comment marche ce bidule. J’ai les moyens de l’améliorer, alors je le fais.
Je peux aider les autres à comprendre aussi, alors je le fais.
Quelqu’un fait des trucs cools, j’en profite, alors je l’aide comme je peux.
J’ai besoin qu’on m’aide, qu’on m’explique ? Je demande.
Ça vaut pour le code source d’un logiciel, le plan d’un meuble, mais aussi pour celui d’une machine agricole, la formule d’un médicament, ou des données de recherche. L’exemple du vaccin est assez parlant !
Dans cet esprit, il y a la volonté de rester en maîtrise de l’outil. Est-ce que c’est normal que mon lave-linge m’engueule pour que j’aille le décharger ? Que mon appli vidéo choisisse ce que je vais regarder ensuite ?
Cette reprise en main de nos vies est essentielle, car elle remet l’humain, ses actions et donc leurs conséquences sur notre environnement, au centre des préoccupations.
Question 4 : Je sais que les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) et autres géants du capitalisme de surveillance sont à éviter. Pourtant, je n’arrive pas à convaincre mon entourage de passer à des outils qui nous respectent. Quelle attitude adopter pour y parvenir ?
Convaincre son entourage est contre-productif tant que cet entourage n’a pas réalisé que ses choix technologiques ont un impact collectif et pas individuel (comme pour la cigarette, sa présence dans les films et le tabagisme passif).
Car nos choix individuels sont aussi le fruit de stratégies collectives : on ne peut pas rendre les individus seuls responsables. Si on ne fait que répéter que “les GAFAM c’est mal “, ou de culpabiliser les gens, la réaction logique sera une distanciation, un refus, une méfiance.
La solution passe donc par deux étapes :
1) montrer les solutions alternatives qui existent et qu‘elles vont bien plus loin en impliquant les utilisateur·ices et en changeant le modèle économique ;
2) créer des collectifs qui permettent de relayer cette *éducation populaire* pour envisager un autre rapport aux technologies (voir les CHATONS sur chatons.org)
Bref : c’est une attitude d’écoute, d’empathie, d’honnêteté, de déculpabilisation.
Question 5 : En tant qu’association ou petite structure, quels conseils souhaitez-vous donner pour maintenir un cadre de travail agréable et qui évite notamment l’épuisement au travail ?
Trois règles fondamentales chez Framasoft :
– C’est qui qui fait qui décide
– Seul·e on va plus vite, ensemble on va plus loin
– Tu es dans l’asso ? Ne te demande pas si tu es légitime. Tu l’es.
Si vous pouvez penser dès le départ à un dispositif (un minigroupe dédié ?) qui permette de prendre soin de ceux ou celles qui font, ça évite d’avoir à le mettre en place en urgence.
Si vous pouvez diviser entre plusieurs membres de l’asso les responsabilités lourdes (co présidence, co-direction…) et “faire tourner”, si vous pouvez autonomiser un maximum chaque groupe/action, cela permet de gagner en confiance en responsabilisation, et d’éviter le stress et les rapports crypto-hiérarchisés.
Mais le fondamental, c’est de savoir rester à l’écoute. De soi, des autres, de nos limites : le soin, ça prend du temps et de l’attention. Et cela signifie aussi savoir repousser et refuser des projets.
Propos recueillis par Booteille et Myriam POMMELEC – Février 2021
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