GPA : le (futur) scandale de l'usine à saumons
Résumé de l’affaire en cours sur Guingamp…

«Si vous voulez, l’agglomération se place comme particulier à particulier, donc on a rien à dire sur le projet».
Il aurait dû préciser ça dès le début Vincent Le Meaux, le président d’agglo. On parle depuis 20 minutes
devant le champ qu’il projette de transformer en usine à saumons. Il m’a «surpris» alors que j’y tournais une
scène pour une vidéo. Faut dire qu’à première vue, c’est un projet disons… Contestable.
Si t’as pas suivi l’affaire, voici un petit résumé.
Le saumon n’aime pas la piscine
Le projet est porté par Smart Salmon, une entreprise norvégienne dans la zone industrielle de Kérizac à Plouisy. Ils mettent en place un système conçu par Aquamaof, une boîte israélienne. L’idée est de produire et transformer 10 000 tonnes de saumons à l’année. La vente du terrain de 10ha – aujourd’hui agricole, demain bétonné – a été voté par l’agglomération au début du mois.
Des piscines pour un poisson sportif dont la qualité de la chair dépend de sa quantité de muscles. A l’étroit et loin de son devenir des rivières à remonter, ce n’est que du gras qui se forme. La densité propage les maladies que seul un apport continu de médicaments permet de contrer – qui se retrouve dans la chair.

Chantage à l’emploi…
Ce n’est pas pour l’art culinaire que l’agglo fait les beaux yeux à l’entreprise norvégienne, c’est parce qu’elle propose 100 emplois dans une des zones les plus pauvres de France. Problème : au delà de l’annonce, rien ne vient confirmer que ces emplois seront vraiment créés, on ne connait ni leurs natures ni les conditions de travail. Le ratio emplois/tonnage en Norvège fait plutôt penser à moitié moins d’emplois.
Le journaliste Sylvain Ernault a relevé que l’entreprise israélienne qui a conçu l’exploitation se vante d’un dispositif conçu pour limiter la charge salariale. Questionné sur Twitter par notre camarade journaliste, le président de l’agglomération se contente d’un «eh bien, c’est bien», avant d’enchaîner sur «Je ne communique pas ainsi. Prenez rendez vous !»… Où croise le «par hasard» en rodant sur le site de la future ferme…
Et discours verdissant …
Le projet nous est vendu comme neutre en carbone, circulaire et durable.
D’après eux, les 10 000 tonnes de poissons par an produiront donc des milliers de tonnes de non-déchets imbibés de médoc’ qui seront traités par le génie norvégien. Comment ? On ne le sait pas. On sait juste qu’une ferme maraîchère sera installée au pied de l’usine. Les déjections seront injectées dans des mousses où les racines des plantes trouveront leurs nutriments. Mais difficile à croire que les quelques salades pourront traiter l’intégralité du flux.
Le reste des non-déchets de la startup circulaire va donc se rajouter aux autres déchets d’élevages, ceux-là qui produisent des ravages dans notre région comme l’a montré la première enquête Splann! sur le taux ammoniaque et les algues vertes en Bretagne.
Convaincu par la brochure publicitaire, Rémy Guillou, maire de Plouisy, dit qu’il n’y a aucune fuite de déchets qui atteindra le Trieux. On se rappelle qu’il y a quelques semaines, dans les travaux des éoliennes de Saint Brieuc, une centaine de litres d’huile s’est déversée dans la baie. Mais les communiqués officiels nous rassurent : c’est une huile biodégradable ! Ça retombe toujours sur leurs pattes, les élus…
Ce projet rappelle les serres de tomates chauffées toute l’année par des groupes électrogènes, tournant par du gaz subventionné et revendant l’électricité. La tomate est alors un produit secondaire bradée, provoquant une chute des prix et les modèles économiques des légumiers locaux. Le prix à payer pour crédibiliser le greenwashing auprès des élus ?
La production va nécessiter un renouvellement permanent de l’eau, «estimé» à 600 mètres cube par jour. Au moment où le GIEC publie son rapport du réchauffement climatique : la situation empire et les pénuries d’eau sont à prévoir. Les politiques refusent encore aujourd’hui d’organiser ce bien commun.
Pendant ce temps, dans une cynique «coïncidence», “Eau et Rivières de Bretagne” sonne l’alarme : les vrais saumons du Trieux meurent «sans explications» nous disent les autorités, même si l’enquête de Splann! nous chuchote la bonne réponse.
Un problème international
Pourquoi Plouisy alors ? La pauvreté facilite les choses. Mais l’omniprésence du lobby de agro-industries n’y est peut être pas pour rien. Nos élus sont déjà idéologiquement construits pour ne pas contester ce genre de projets.
Il y a aussi une autre raison : nos capitalistes du nord ne sont plus les bienvenus dans leur pays. La prolifération du «pou du saumon» a bloqué l’expansion de l’industrie. Ils arrivent en France comme des escrocs changent de ville : grand sourire et discours rodé, en espérant que personne ne fouille plus loin que leurs vertes paroles.
L’entreprise israélienne est, elle, dénoncée par France Palestine Solidarité comme «à boycotter» puisqu’ils sont installés en terre colonisée de Cisjordanie. Le Monde Diplomatique, dans son numéro du mois de juin, va plus loin et nous apprend que les saumons d’élevages mangent de la farine de poissons sauvages ! Principalement issus des mers d’Afrique de l’ouest et notamment de la Gambie où une entreprise chinoise a installé 3 usines de transformation. Hors de tous contrôles et de toutes normes sociales ou écologiques, d’énormes bateaux viennent sur-pêcher les poissons locaux jusqu’à l’épuisement. Sachant qu’il faut 15kg de poissons sauvages pour avoir 1 kg de saumon.
D’où viendra la nourriture des saumons d’élevages ? «C’est un point à éclaircir» me dit le président – qui a tout de même voté pour la vente des terres quelques semaines plus tôt.

Les réactions
On se rend vite compte alors d’une évidence : dans cette affaire nous n’avons qu’une brochure de publicité produite par les marqueteux de Samart Salmon – et nos élus n’en sont que les perroquets.
Même les maires méfiants du projet ne votent pas contre, ils s’abstiennent. Une chose est sûre : nos maires, protégés dans leurs «agglomérations» ne veulent pas imposer de contraintes. Encore une fois, le politique accepte le pouvoir sans la responsabilité et laisse le libéralisme gouverner – envers et contre nous.
La rare contestation s’incarne chez Gaël Roblin, seul élu d’opposition à Guingamp, qui donne l’alerte dans les médias locaux. Guingamp Climat, l’association d’éducation populaire s’est positionnée, elle, sur le sujet et attend que le dossier soit éclairci pour s’y opposer officiellement. En compagnie peut-être d’Eau et Rivières ? L’association a elle aussi montré ses inquiétudes.
Qu’on soit sûr, les petites mains complotent pour que l’affaire sorte des réunions confidentielles des élus. La première pétition tourne et les militants locaux s’activent sur les réseaux, en attendant une rencontre réelle qui ne saurait tarder.
Mais c’est «La preuve que Guingamp est attractif !» nous dit le président ! Aussi attractif qu’une proie pour son prédateur…
Yohan Pavec – Juin 2021
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