La Loi Molac (3ème Partie)

Comment réagissent les personnes engagées dans le Réseau Diwan face à ces rebondissements de la Loi Molac ? Témoignages…

Le Réseau Diwan,
représenté par Yann Uguen :

Qu’est ce que le Réseau Diwan a ressenti lors de l’adoption de la Loi Molac le 8 avril dernier ?

Nous sommes en lutte depuis plusieurs années suite à la suppression des contrats aidés à la fin de l’été 2017. La mobilisation avait permis d’avoir une avancée intéressante dans la loi pour une école de la confiance concernant les forfaits scolaires, s’adressant aux communes ne disposant pas de filières d’enseignement en langue régionale. Le ministre de l’Éducation nationale Jean-Michel Blanquer avait déjà limité par amendement l’aspect systématique du versement. L’obtention de ces forfaits doit servir essentiellement à pérenniser les emplois non enseignants qui sont souvent sur des contrats précaires et ne peuvent rester dans les établissements malgré leur grande qualité et leur engagement de tous les jours.

En outre, nous avons subi comme tout le monde la crise sanitaire qui a été éprouvante pour les élèves, parents, enseignants et personnels, mais qui ont fait preuve collectivement d’une grande détermination durant cette période.

Dans le même temps, nous avons pu également constater que l’avancée sur le forfait n’était pas efficace auprès de certaines communes. Les préfectures, devant agir comme médiateurs, n’ont pas joué leur rôle. Au final, sur les 1 millions d’euros attendus, les écoles n’ont perçu qu’à peine 100 000 euros, ce qui ne permet évidemment pas de pérenniser les 200 emplois de nos écoles.

L’adoption de la loi Molac a été une surprise et a surtout été une bouffée d’air dans ce contexte difficile. Le travail de terrain des associations et l’action d’explication des élus ont enfin apporté une reconnaissance de l’efficacité et de la nécessité de notre modèle d’enseignement par immersion.

Comment avez-vous pris la censure partielle de cette loi par le Conseil Constitutionnel ? Et essentiellement la censure sur l’article 4 et 9 de la Loi Molac ?

Au-delà de la censure des articles, ce sont surtout les décisions qui accompagnent l’avis du conseil constitutionnel qui ont été ressenties comme une attaque sans précédent contre l’immersion. En excluant de commenter la forme de la saisine, avec des députés qui se sont désolidarisés de l’action, en allant au-delà de l’objet de la saisine, le conseil constitutionnel a émis des décisions très orientées sur l’usage de l’immersion dans l’enseignement public et aussi les contrats associés, c’est à dire les écoles associatives immersives comme Diwan.

Ces décisions qui interdisent également l’usage des signes diacritiques, à savoir le tilde de Fañch, a déclenché une large vague d’indignation des bénévoles, des sympathisants, des élus mais également de tous ceux qui ont de l’affectation pour la culture et l’identité de nos territoires. Cette colère a conduit à de larges mobilisations dans toutes les régions de France et notamment plus de 12 000 personnes à Guingamp le 29 mai.

– Quelles solutions ou propositions préconisez-vous pour sortir ces écoles de leur illégalité constitutionnelle ?

A ce stade, seule une révision de la constitution semble être la voie la plus sécurisante permettant d’annuler ces décisions et d’éviter d’autres décisions aussi défavorables.

– Si le Conseil Constitutionnel maintient sa décision et que les écoles Diwan restent illégales, que pensez-vous qu’il risque de se passer autant pour le réseau Diwan que pour la langue bretonne ?

Nous avons identifié plusieurs risques mais ne savons pas s’ils peuvent subvenir à moyens et courts termes. Nous travaillons au sein de plusieurs collectifs, Eskolim (association des réseaux des écoles immersives) et Pour Que Vivent Nos langues et avec les élus afin de sortir rapidement de cette situation.

Cette crise a eu le mérite de fédérer un large soutien populaire et politique pour protéger les langues régionales et les filières d’enseignements dans toutes leurs diversités.

– Avez-vous d’autres remarques ou points à traiter qui vous semble pertinents en relation avec cette Loi Molac et ses rebondissements ?

La semaine passé le conseil constitutionnel a fait preuve d’un amateurisme déconcertant en publiant des commentaires sur ces décisions le mardi et en les corrigeant le vendredi. Ces commentaires doivent éclairer les décisions et cela a eu l’effet complètement inverse.

https://www.diwan.bzh/fr/une-situation-ubuesque-conseil-consitutionnel-diwan

De plus, dans cette période de recherche de solution, malgré une reprise en main du dossier par le premier ministre et un message de soutien du président de la république, il semble que le ministre de l’éducation nationale n’en fasse qu’à sa tête. Quand nous souhaitons des signes d’apaisement, il ne donne toujours pas les moyens permettant la contractualisation de l’école de Saint Herblain qui remplit tous les critères légaux depuis la rentrée 2020 et de plus le ministère a lancé un projet de révision du programme de maternelle qui exclut l’usage des langues régionales, la base de notre modèle.

Une Enseignante Skol Diwan :

– Lorsque la Loi Molac a été adoptée à l’Assemblée Nationale, qu’en avez-vous pensé ?

Un grand soulagement mais également un sentiment de doute. Une telle majorité de députés qui votent la loi alors que le combat pour les langues régionales notamment l’enseignement immersif n’a jamais fait l’unanimité ou consensus.
D’ailleurs la Charte Européenne pour les langues régionales, votée en 2017, n’a toujours pas été ratifiée par la France – signée seulement.
En même temps, pour avoir entendu Mr Molac défendre cette loi lors des débats parlementaires, je me suis persuadée qu’il avait réussi à démontrer l’urgence de légiférer en faveur des langues régionales, et de la reconnaissance de l’enseignement immersif.

– Qu’est-ce qui vous a poussé à enseigner dans une école Diwan ? Qu’est-ce qui ne vous attire pas ou ne vous plaît pas dans une école publique ?

J’enseigne à l’école Diwan pour transmettre ma langue maternelle si durement maltraitée au siècle dernier. Le breton était la langue majoritairement parlée à la maison. Bien qu’ayant été élevée en français, j’adorais écouter et parler breton. Je l’ai apprise en immersion à la maison. Encore, dans mon enfance, parler breton était assimilé aux “ploucs”. Je voulais que cette idée change.
Le choix de Diwan s’est fait naturellement pour transmettre cette langue aux enfants, la culture et qu’ils prennent conscience de leur identité bretonne.
Je ne me suis pas posé la question pour enseigner dans une école publique car le système immersif n’existe pas.

– Comprenez-vous la décision du Conseil Constitutionnel qui retoque partiellement la Loi Molac ? Si non, pourquoi ?

Je ne comprends pas la décision du Conseil Constitutionnel.Pour moi, c’est une manœuvre politique de Jacobins, qui ne voient que la langue française et n’ont rien à faire de la diversité culturelle.
Ce mode d’apprentissage par l’immersion existe depuis 45 ans et la réussite de ce modèle n’est plus à démontrer. De plus, la langue française y a sa place.

– Pouvez-vous expliquer les difficultés des écoles associatives Diwan comparées aux écoles publiques ?

-> Difficultés financières : jusqu’ici, il n’y a pas la totalité du forfait scolaire.
-> Difficultés liées au statut associatif : Ce sont la gestion des écoles par les parents d’élèves (bénévolat, difficultés et besoins de se former à la gestion budgétaire d’une école, la gestion des salariés, droit du travail, paies, contrat de travail, recrutement, etc.) et  les locaux non pris en charges par les communes.
-> Difficultés pour recruter du personnel non enseignant : Contrats précaires et non pérènnes.
-> Difficultés pédagogiques : pas de réseau d’aide pour les élèves en difficultés.

– Comment voyez-vous l’avenir pour les écoles Diwan et autres écoles régionales ?

Une avancée concernant le paiement du forfait scolaire. Pour le reste, les écoles Diwan continueront d’exister, il n’est pas concevable qu’elles soient considérées illégales. Cependant, le combat sera toujours d’actualité pour faire face à toutes les difficultés citées plus haut. Les parents, les dirigeants, les enseignants seront toujours sur le front pour faire vivre les écoles.

– Quelles sont les revendications des écoles Diwan à la suite de cette décision d’inconstitutionnalité de vos écoles ?

Modification de l’Article 2 de la Constitution pour que soit reconnu l’enseignement immersif des langues régionales, faire toute la lumière sur les modalité de saisine du Conseil Constitutionnel car certains des 61 signataires se sentent trahis et enfin ne pas cesser le combat !

– Si le Conseil Constitutionnel maintient sa décision et que les écoles Diwan restent illégales, que pensez-vous qu’il risque de se passer autant pour le réseau Diwan que pour la langue bretonne ?

La transmission de la langue bretonne – ou les autres langues – sera grandement affectée. Elle ne sera pas reconnue du point de vue législatif. Ce modèle d’enseignement ne sera pas proposé aux citoyens par les pouvoirs publics et l’Education Nationale.
Les écoles continueront cependant à vivre mais le réseau aura toujours les mêmes difficultés pour grandir et ouvrir d’autres écoles.

Un Enseignant Skol Diwan :

– Lorsque la Loi Molac a été adoptée à l’Assemblée Nationale, qu’en avez-vous pensé ?
La première chose, ça été la surprise qu’une telle loi puisse passer parce qu’habituellement, il faut plus de luttes de la part de la population. Et là, le combat s’est fait plus en interne avec le député Paul Molac et les politiques. Ensuite, j’ai été content qu’il y ait une telle avancée pour toutes les langues de France. Donc, agréablement surpris !

– Qu’est-ce qui vous a poussé à enseigner dans une école Diwan ? Qu’est-ce qui ne vous attire pas ou ne vous plaît pas dans une école publique ?

J’ai fait toute ma scolarité jusqu’à la fin du Lycée dans le Réseau Diwan. C’est pour moi, une seconde famille, donc je ne me voyais pas aller enseigner ailleurs. Et la sauvegarde de la langue bretonne ! En ayant vécu dans la langue, on s’aperçoit que, dès qu’on sort de l’école, son manque de présence à l’extérieur est flagrante, elle n’est pas très bien représentée dans les espaces publics. Même entre bretonnants, nous ne l’utilisons pas forcément car il y a toujours quelqu’un dans l’entourage qui ne parle pas breton, on va alors faire l’effort de parler dans la langue qui est parlée de tous pour n’écarter personne.
Comme on m’a appris le breton, j’ai eu envie de la transmettre à d’autres.

– Comprenez-vous la décision du Conseil Constitutionnel qui retoque partiellement la Loi Molac ? Si non, pourquoi ?

Non ! Évidemment, parce que je ne vois pas cette inquiétude qu’à la France, qui veut être une et indivisée, de se sentir menacée parce qu’on va mettre un tilde sur le n ou qu’on va écrire c’h. Je ne vois pas ce que la République peut craindre de ça. Que certains ne comprennent pas que à l’époque où tout s’uniformise avec la mondialisation et tout, c’est justement une richesse d’avoir des cultures différentes, des langues différentes et ce n’est pas parce qu’on parle plusieurs langues et cultures que l’on doit en avoir une principale qui doit écraser les autres. Ce n’est pas une guerre où il y en a une qui doit effacer les autres, c’est vivre ensemble et chacune apporte aux autres quelque chose en plus.
On le voit avec les langues ! Quand on étudie un peu les langues, on voit qu’à un moment ou à un autre, on a échangé des mots et les cultures, c’est pareil !
Je suis un peu triste et un peu fâché aussi que les gens voient ça comme une menace que plutôt comme une richesse.

– Les écoles Diwan ont été dites inconstitutionnelles et donc illégales selon le Conseil Constitutionnel qui se base sur l’article 2 de la Constitution, que pensez-vous de cette illégalité ?

Plusieurs choses ! Tout d’abord, ce ne sera pas le cas des écoles un peu élitistes privées où la langue d’immersion est l’anglais, les écoles internationales ou ce genre de chose. C’est une immersion qui est “mieux” dans le sens où l’anglais est sensé être supérieur dans la mentalité. Mais je ne vois pas pourquoi l’anglais serait supérieur et si l’anglais est à tel point supérieur alors pourquoi on continue à apprendre le français ? Pourquoi, il y a des luttes dans certains autres pays francophones où le français est minoritaire, là, il y a des choses mises en place pour sauvegarder le français, c’est important.
Quand le français est minoritaire, il faut le défendre mais quand ce sont d’autres langues qui sont minoritaires en France, là, il n’y a pas besoin ?
Ils ont 45 ans de retard aussi dans ce cas, pourquoi maintenant ? Ça fait plus de quarante ans qu’il existe des écoles immersives ! Ça fait des années qu’elles se situe dans les premières au classement, sachant qu’elles sont premières au classement sans écarter des enfants de la seconde à la terminale. Elles sont premières en prenant tous les milieux sociaux en compte et en n’écartant personne. Même le Figaro classe Diwan dans les premiers lycées de France dans la réussite au Bac et ça n’a jamais gêné personne ! Et au bout de 45 ans, on dit on va changer ça ! La France a souvent du retard pour pas mal de chose mais une quarantaine d’années, là, ça fait beaucoup quand même ! 45 ans que Diwan met la langue française en péril, ba j’ai pas vu grand danger, hein ! Ayant fait mes études à Diwan, je peux dire que mes collègues de lycée parlent très bien le français et savent aussi très bien l’écrire !

– Pouvez-vous expliquer les difficultés des écoles associatives Diwan comparées aux écoles publiques ?

Dans un contexte où, il y a plein de personnes qui ne connaissent pas Diwan, qui ne savent pas comment cela fonctionne, qui jugent vraiment sans connaître, le breton est devenu pour eux une langue étrangère en Bretagne. Il y a des Mairies qui aident et qui suivent le mouvement, comme par exemple, ils donnent le forfait scolaire et d’autres qui ne veulent absolument pas donner et qui ne soutiennent pas. Sachant que Diwan a beau être des écoles privées sous contrat – l’Etat aide Diwan en payant les enseignants – il reste une partie, ASEM, personnel non enseignant, qui reste à la charge des associations de parents d’élèves qui soutiennent les écoles Diwan. Et quand il n’y a pas les forfaits scolaires, quand il n’y a pas de soutien et essentiellement dans les fêtes organisées pour récolter des fonds, c’est un manque à gagner pour stabiliser ces emplois. Une école, ce n’est pas que des enseignants et des élèves ! Une école c’est aussi des familles, du personnel non enseignant qui sont là pour faire tourner l’école et sans lesquels une école ne peut pas fonctionner du tout.

– Comment voyez-vous l’avenir pour les écoles Diwan et autres écoles de langues régionales ?

Je ne vois pas ça finir là, parce qu’il y a déjà eu d’autres coups durs et à chaque fois, il y a eu des luttes et on s’en est remis. Je pense que c’est une manière de faire grande peur, histoire que le Réseau Diwan ait moins à réclamer et qu’il n’ait pas à demander sur d’autres terrains, genre : “vous auriez pu tout perdre et on est gentil, on va vous laisser ça plutôt que vous demandiez plus” !
Ça ne serait pas forcément pertinent de fermer toutes ces écoles. Les élèves iraient où ?  Dans d’autres écoles qui n’auraient pas forcément d’accueillir autant d’élèves d’un coup ?
Je ne sais pas. Moi, je vois ça comme un gros coup de bluff pour faire peur, histoire qu’il y ait moins de demandes sur d’autres luttes.

– Quelles sont les revendications des écoles Diwan à la suite de cette décision d’inconstitutionnalité de vos écoles ?

Que la France, étant le pays des Droits de l’Homme, respecte et soutienne un peu sa richesse culturelle. Si elle la défend tant et si bien lorsqu’elle est menacée à l’étranger, qu’elle s’aperçoit que la richesse culturelle n’est pas que, en caricaturant, la gastronomie, le béret, la baguette de pain, le vin ou autres,mais que c’est toute la richesse des régions qui la compose. La France n’est pas une et indivisible, au contraire et ça serait triste qu’elle soit comme ça : indivisible, quelque part oui mais avec toutes les pièces qui la compose. C’est un patchwork riche, que ce soit la culture bretonne, basque, corse, alsacienne, occitane, etc. De voir ça comme une force et que toutes ces micro-cultures sont une force ! Et de ne pas uniformiser.
Le versement du forfait scolaire aiderait beaucoup Diwan à stabiliser les emplois et surtout les contrats précaires dits “contrats aidés”.

– Si le Conseil Constitutionnel maintient sa décision et que les écoles Diwan restent illégales, que pensez-vous qu’il risque de se passer autant pour le réseau Diwan que pour la langue bretonne ?

Déjà, à Guingamp, pour la manifestation de soutien , il y a eu plus de 10 000 manifestants. 10 000 est l’équivalent de la population de Guingamp. Pour qu’il y ait autant de monde à se déplacer et à doubler la population guingampaise et hors saison touristique, c’est que ça a quand même touché au cœur plein de gens. Des personnes qu’on ne voyait pas d’habitude pour d’autres combats et qui ont fait, là, l’effort de venir.
Donc, si tout à coup, Diwan devait vraiment être menacé de disparition suite à une loi comme celle-là, je pense que ça bougerait très sévèrement les foules et la population. Et là, je ne parle que du Réseau Diwan en Bretagne, mais les corses, les basques, etc., risquent eux aussi de bouger. Et je pense que l’État a autre chose à faire vu le contexte sanitaire que de s’occuper des écoles en immersion.

– Avez-vous d’autres remarques ou points à traiter qui vous semble pertinents en relation avec cette Loi Molac et ses rebondissements ?

Juste pour résumer, je trouve ça dommage qu’après une telle victoire, il y a eu un tel retournement de situation sachant qu’il y a eu 61 signataires et que 4, à priori, se sont désistés après la saisine et que malgré cela, ça soit passé tout de même !
On parle de diplomatie et tout ça, et que quand on magouille déjà à ce niveau pour une loi qui n’est un danger pour personne, je n’imagine pas les autres sujets politiques qui sont plus importants tels que l’écologie ou autre ! Malheureusement, je trouve que c’est un beau reflet de ce qu’on appelle diplomatie et qui pour moi est une oligarchie.

Liste des écoles Diwan à côté de chez vous!
Listenn skolioù Diwan e-tal ho ti!
diwan-santervlan.fr

Un Papa Bretonnant :

– Pourquoi as-tu choisi de placer ta fille dans une école associative Diwan ? Pourquoi avoir choisi l’immersion en breton et non pas une école publique bilingue ?

Les raisons qui ont motivés l’inscription de ma fille dans une école Diwan sont nombreuses. Bien sûr, c’est une école dans laquelle les enseignements se font en breton, mais le breton est également la langue de vie. La place donnée à la langue est importante, elle est celle qui devrait lui être donnée dans la société. Ce qui marche dans une école peut et devrait marcher dans la société de manière globale.

L’immersion parlons-en. Nous pouvons ici rappeler que dès les années 60 elle faisait ses preuves au Québec pour enseigner… le français. Pédagogiquement, si l’on veut que la langue d’enseignement soit également langue d’échange on doit en passer par là. Dire qu’on enseigne dans le système de la parité horaire (50 % en français, 50 % en breton) c’est politique. C’est pédagogiquement insuffisant et c’est refuser par principe de laisser une once de place plus importante à une autre langue que le français. Pourtant, si nous regardons d’un peu plus près le contact avec la langue, c’est à dire le temps passé à entendre ou à parler breton, même en immersion, le français s’impose puisque la majorité des familles de nos écoles ont le français comme langue d’échange, et les radios et médias auxquels les enfants sont exposés sont majoritairement en français et en anglais. Le français prédomine, mais l’état ne peut accepter que les écoles publiques puissent s’engager dans un enseignement qui ferait ce qu’elle refuse de faire dans la société. Ne pas lui donner une place viable c’est tuer la langue… on peut donc dispenser des enseignements dans une langue dont on souhaite la disparition, et en cela l’éducation nationale n’est pas prête à changer son fusil d’épaule.

L’école est associative. C’est ce qui fait pour moi sa force puisqu’elle implique les parents sans lesquels l’école ne peut fonctionner. C’est également ce qui fait sa faiblesse car l’énergie déployée pour trouver les fonds sont considérables et ne sont pas ou peu reconnu par les institutions. C’est une énergie et du temps que nous ne pouvons mettre dans des luttes sur le terrain et dans les institutions pour ouvrir de nouveaux champs à nos langues (breton et gallo).

– Que penses-tu de la décision du Conseil Constitutionnel qui déclare, au bout de pratiquement 44 ans de vie du Réseau Diwan, que ces écoles associatives sont contraires à la Constitution ?

Elles l’ont toujours été. Elles sont simplement tolérées au nom du droit à l’expérimentation. Leur création à pu avoir lieu grâce à la volonté de parents qui avaient conscience que lutter pour du breton dans les écoles publiques serait soit voué à l’échec soit limité, enchaîné à des contraintes politiques. Ils n’ont pas eu tout à fait raison quand on voit ce qui a pu ensuite être fait dans les écoles publiques et privées.

Toute velléité de voir une langue autre que le français avoir reconnaissance, officialité, place dans les institutions, médias, écoles est anticonstitutionnelle. Espérer avoir le budget, la volonté politique (les députés Molac sont rares) pour simplement sauver (ce qui est déjà bien au-dessus d’une simple « préservation ») est vain. Des hussards noirs, des Énarques ont été biberonnés aux 1001 mesures pour parfaire les linguicides en cours. Ils travaillent à plein temps pour y parvenir et sont grassement payé pour avoir du cœur à l’ouvrage. Les Breton.nes en « conscience » qui relèvent le défis de la défense ou de la promotion de leurs langues sont majoritairement bénévoles, doivent gérer leur propre esclavage au salariat, et comme si cela ne suffisait pas, ils savent aussi se ranger dans des cases à l’exclusion d’autres militants, et mettre parfois une énergie folle dans leurs escarmouches intestines.

La constitution scelle la mort de nos originalités, lorsqu’elle est modifiée, ce n’est certainement pas pour desserrer l’étau qui lacère nos langues et nos cultures (qui ne sont rien sans elles, sinon de jolies coques vides).

– Quelles solutions ou propositions préconises-tu pour sortir ces écoles de leur illégalité constitutionnelle ?

Les solutions n’existent pas. Elles sont institutionnelles et nécessaires (je ne vais pas désavouer le travail qui a pu faire éclore la loi Molac) mais leur issue est pour moi jouée d’avance. C’est (malheureusement) le rapport de force qui débouchera sur des avancées ou un sauvetage. Comment est-il possible que dans le même hexagone moins de 3 % des élèves Bretons reçoivent un enseignement dans une leur langue, 15 % pour les alsaciens, 30 % pour les Corses et 48 % pour les Basques (cf. « Appel aux Bretonnes et aux Bretons » manifeste pour les langues de Bretagne édition Ar Falz). En plus d’une situation de transmission plus ou moins favorable et du poids que la langue a pu garder, la puissances des luttes et le soutien populaire on été capitales.

Nous devons nous tourner plus vers les Bretons que vers les institutions. Trouver le soutien populaire qui créera selon moi l’élan nécessaire aux luttes qui sont parfois l’apanage d’une intelligentzia aux commandes de nos maigres institutions, chacune et chacun cherchant à être établi grâce aux miettes que Paris ou la région nous jettent par la fenêtre.

Utilisons le peu d’outils dont nous disposons à bon escient avant que le fascisme ambiant ne nous les enlèvent, et concentrons nous sur le plébiscite de nos langues qui ont souvent moins bonne presse que d’autres langues plus exotiques. Elles leurs sont égales, c’est cette conviction qui a fondé mon militantisme pour les 6000 langues de notre petit monde.

– Tu es bretonnant, penses-tu que la langue bretonne met en péril la langue française de part son apprentissage en immersion dans un réseau d’école qui la diffuse ? Pourquoi ?

J’aime le français. C’est ma langue maternelle. Je n’aime pas plus le breton. Mais j’aime pouvoir décider celle que je veux utiliser au quotidien. Je ne veux pas que celle que j’utilise soit plus petite, écrite en italique, et moins considérée que les langues impérialistes (politiquement parlant car elles n’y sont pour rien les pauvres). Un réseau d’école en breton par immersion est loin d’être le minimum pour sauver le breton. Ce que tuent les prêtres de la constitution c’est l’espérance que cela représente. Ils le font avec une puissante motivation, celle de se défaire de tout ce qui affaiblit l’élévation de citoyens serviteurs et transmetteurs de leur identité française. Le breton comme d’autres agacements ne sont que grincements dans les rouages de la république. La constitution est l’huile de leurs armes, le français le code qui les sert.

– As-tu d’autres remarques à faire ou d’autres points à traiter qui te paraissent pertinents en relation avec La Loi Molac et ses rebondissements ?

Pour rester sur le terrain des langues je citerais simplement la 4e de couverture de l’ouvrage que j’ai cité plus  haut :

« Confrontés à un État centralisé dont le crédo est l’unicité de ses composantes et l’indivisibilité de la Nation, les langues de Bretagne, breton et gallo, sont sur le point de disparaître en dépit des rares concessions politiques, malgré les efforts des militants. Ce faisant, l’État français est en totale rupture avec les conventions internationales et européennes qu’il refuse de ratifier ou d’appliquer. Il est même en contradiction avec sa propre constitution.

Ces langues sont pourtant un élément fondamental de notre identité. Devant les refus de l’État de les préserver efficacement, la Bretagne doit demander urgemment la dévotion de compétences pour s’occuper elle-même de ses langues historiques et défendre ses intérêts fondamentaux (Art.1 et 72 de la constitution) […]. »

Si cet ouvrage met le changement des institutions comme but ultime de nos luttes, j’attends pour ma part plus le réveil populaire inhérent à tout rapport de force qui mécaniquement fera de David un adversaire de taille face à Goliath.

Une Maman non Bretonnante :

– Pourquoi as-tu choisi de placer tes enfants dans une école associative Diwan ? Pourquoi avoir choisi l’immersion en breton et non pas une école publique bilingue ?

J‘ai choisi de mettre mes enfants en École DIWAN parce que sa me tenait à cœur que mes enfants apprennent ma langue maternelle, mes racines. J’avais le choix entre une École Publique et l’École DIWAN, avec mon mari nous avons pas hésité, nous avons saisi cette belle opportunité pour nos enfants d’intégrer une école immersive et gratuite, associative. Pour nous, c’est une chance énorme que nos enfants y étudient, c’est une école remplie de belles valeurs et nous faisons perdurer notre belle langue bretonne.
J’ai choisi l’immersion en breton car nos enfants baignent dans la langue et l’apprennent dès le plus jeune âge donc acquièrent la langue rapidement ainsi le cursus proposé à DIWAN est complet. Le taux de réussite est excellent.

– Que penses-tu de la décision du Conseil Constitutionnel qui déclare, au bout de pratiquement 50 ans de vie du Réseau Diwan, que ces écoles associatives sont contraires à la Constitution ?

Je pense que le corps enseignant, l’engagement des parents et la volonté des enfants ne peuvent aujourd’hui être remis en cause. Je trouve que remettre en doute le réseau DIWAN c’est remettre en cause le fait que nos enfants se battent aujourd’hui pour apprendre leur langue maternelle, cette décision est contraire à tous les principes qu’on nous enseigne dans la vie. BATTONS NOUS POUR NOTRE LANGUE !!!

– Quelles solutions ou propositions préconises-tu pour sortir ces écoles de leur illégalité constitutionnelle ?

Il faut laisser nos écoles telles qu’elles ont été créées.

– Tu es non bretonnant, penses-tu que la langue bretonne met en péril la langue française de par son apprentissage en immersion dans un réseau d’école qui la diffuse ? Pourquoi ?

Non, je ne pense pas que la langue bretonne met en péril la langue française, nos enfants ont des cours de français et apprennent tout aussi bien même en école immersive.

– As-tu d’autres remarques à faire ou d’autres points à traiter qui te paraissent pertinents en relation avec La Loi Molac et ses rebondissements ?

LAISSEZ NOS ECOLES TRANQUILLES !!

 

 

 

Mon analyse…

 

L’enseignement des langues régionales en immersion est un atout majeur de la diversité française.
Je ne suis pas bretonnante. Mes enfants sont en école Diwan, un au collège et les deux autres en école primaire.
Je vois tous les jours les bénéfices que l’immersion offre à mes enfants. A savoir, le goût et l’aptitude enfantine des langues telles que le Français, l’Anglais, le Russe par exemple, que mon fils pratique au collège en 6e, sans compter l’ajout de l’Allemand et du Latin pour l’année prochaine.
C’est une ouverture sur le monde que de pouvoir parler plusieurs langues, qu’elles soient régionales ou non. Et c’est ce que permet l’immersion.
C’est aussi transmettre la culture de ses ancêtres, de se rendre compte de comment ils interagissaient dans cette langue.

Pour moi, la langue Française n’est aucunement en danger. Nous vivons en français partout sur le territoire et même en Bretagne ! Les démarches dans les services publics se font en français. L’interaction avec les gens non bretonnants se fait en français. A la maison, je parle à mes enfants en français même si parfois le breton y est présent (mon mari étant bretonnant).

Je ne comprends pas la Décision du Conseil Constitutionnel, car pour moi, les langues régionales font partie de la richesse et du patrimoine français. C’est un atout majeur de notre diversité culturelle qui forme la France telle qu’on la connaît. Et je ne souhaite qu’une chose, c’est la révision de la Constitution – dans ce domaine, mais aussi dans plein d’autres !

Et si on demandait son avis aux français ?!
Article 3 de la Constitution : “La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum. (…)”

 

Myriam Pommelec – Juin 2021