La Loi Molac 1ère Partie

Le 8 avril dernier, la Loi Molac (Loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion) était adoptée. Coup de tonnerre suite à la censure partielle de cette Loi. Retour sur un litige constitutionnel entre l’Etat et les régions et notamment la région Bretagne …

La Proposition de Loi

 

Paul Molac, militant engagé pour la défense de la culture et du patrimoine de la Bretagne et proche de l’Union démocratique bretonne (UDB), est député du Morbihan et il crée le groupe Libertés et territoires en 2018 qui rassemble plusieurs députés de centre gauche et centre droit.
Il dépose, avec plusieurs autres députés, une proposition de loi visant à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion à l’Assemblée Nationale.
Cette Loi vise trois domaines d’actions et de protection : le patrimoine, l’enseignement et les services publics régionaux.

“Cette démarche législative s’inscrit en pleine cohérence avec les engagements internationaux pris par la République, dont ceux issus de la signature et ratification de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine immatériel de 2003 et de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005, toutes deux de l’UNESCO. Sans être exhaustives, les mesures présentes dans cette proposition de loi répondent entièrement au double objectif de protection et de promotion du patrimoine immatériel et de la diversité culturelle dont les langues régionales constituent l’une des expressions.”  Proposition de Loi N°2548 Assemblée Nationale

Les langues régionales font donc partie intégrante du Patrimoine immatériel de l’UNESCO.
L’enseignement en immersion dans les établissement scolaires privés associatifs et l’utilisation des signes diacritiques dans les états civils (souvenez-vous de l’Affaire du petit Fañch et son tildé) sont donc pleinement favorisés par cette proposition de Loi.

En Bretagne, les associations militantes pour la promotion de la langue Bretonne se félicitent de ce texte qui était attendu depuis plus d’une dizaine d’années !

Une Loi adoptée

 

La Loi Molac est donc adoptée sans modification avec 247 députés pour, 76 députés contre et 19 abstensions malgré l’opposition des membres du gouvernement.

  • L’enseignement en immersion a pour objectif de permettre à l’enfant d’être bilingue dès la fin du primaire. Les enfants maitriseront aussi bien la langue régionale que le Français, car le Français est ré-introduit dès 7/8 ans.
  • Le forfait scolaire communal, qui est versé aux écoles privées, associé par contrat à l’Etat, n’était pas obligatoire pour ces écoles privées en langues régionales. Il est dorénavant dû lorsque la commune ne dispose pas d’un enseignement en langues régionales.
  • La généralisation de cet enseignement, prévue dans cette loi, a pour objectif de proposer cet enseignement de langues régionales à tous les élèves qui le souhaitent pendant les heures de cours et au sein des établissements scolaires.
  • Les signes diacritiques, qui permettent la prononciation d’un mot, sont au nombre de seize dans la langue française (à, ç, ï, ï, etc.). Ceux des langues régionales sont maintenant autorisées pour leur utilisation dans l’état civil (ñ, etc.).

Les associations de promotion de la langue bretonne se réjouissent de cette avancée.

“8 avril 2021, Assemblée nationale à Paris. 247 député·e·s votent en faveur de la proposition de loi relative à la protection des langues régionales et à leur promotion. Ce texte était attendu depuis des dizaines d’années. Cet accomplissement est à mettre au crédit de la détermination du député du Morbihan Paul Molac, auteur du texte de loi et à la formidable capacité à s’entendre des députés et des sénateurs, quelles que soit leurs attaches partisanes ou territoriales, pour faire aboutir cette initiative. Nos associations, qui ont également joué un rôle essentiel pour accompagner et soutenir la mobilisation, se réjouissent de cette issue.” Communiqué de Presse Diwan.

“La proposition a été adoptée à une large majorité contre la posture hostile au développement des langues territoriales du gouvernement par la voix du ministre Jean-Michel Blanquer. (…)
La loi Molac représente une réelle avancée pour l’enseignement en langue basque et son adoption favoriserait l’atteinte de l’objectif poursuivi par l’Office Public de la Langue Basque de « création de locuteurs complets » avec pour « cœur de cible les jeunes générations ». ” Communiqué de Presse Euskal Konfederazioa.

“Un espoir était malgré tout permis avec la Loi Molac votée le 8 avril (contre l’avis du gouvernement) et qui permettait de renforcer l’enseignement immersif, le plus efficace pour l’enseignement des langues régionales.” Communiqué de Calendreta.

Censure…

 

Coup de Tonnerre le 21 Mai dernier ! Le Conseil Constitutionnel censure partiellement La Loi Molac !

Le 22 avril, 61 députés de la majorité essentiellement, menés par Aurore Bergé, saisissent le Conseil Constitutionnel “à titre individuel” à la suite de l’adoption de La Loi Molac. Cela a suscité des tensions dans les rangs de LaREM : Jean-Michel Blanquer est soupçonné d’avoir dirigé ces députés à la saisine du Conseil Constitutionnel, tant le gouvernement était contre cette loi.
Leur recours portait essentiellement sur le financement de ces écoles et plus particulièrement sur le forfait scolaire.

Le 21 mai dernier, les Sages retoquent partiellement la Loi Molac sur les articles 4 et 9 de la Loi Molac. Mais se prononcent sur la conformité de l’article 6 de cette même loi.

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :
Article 1
er.Les articles 4 et 9 de la loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion sont contraires à la Constitution.
Article 2.
Le sixième alinéa de larticle L. 44251 du code de léducation, dans sa rédaction résultant de larticle 6 de la même loi, est conforme à la Constitution.
Article 3.Cette décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Jugé par le Conseil constitutionnel
dans sa séance du 20 mai 2021, où siégeaient : M. Laurent FABIUS, Président, Mme Claire BAZY MALAURIE, M. Alain JUPPÉ, Mmes Dominique LOTTIN, Corinne LUQUIENS, MM. Jacques MÉZARD, François PILLET et Michel PINAULT.
Rendu public le
21 mai 2021.”
Extrait de la Décision du Conseil Constitutionnel

Qu’est ce que ça veut dire ?

Et bien, le Conseil Constitutionnel déclare conforme à la Constitution le forfait scolaire communal versé aux écoles, sujet principal du recours posé par les 61 députés qui ont saisi le Conseil des Sages !

Par contre, en ce qui concerne l’immersion en langues régionales des écoles privées par contrat d’association avec l’État, et l’utilisation des signes diacritiques de ces langues régionales, le Conseil Constitutionnel les déclare contraire à la Constitution. Ce qui place l’immersion et les signes diacritiques en position d’inconstitutionnalité et donc illégaux !

Article 2 de la Constitution :

La langue de la République est le français.
L’emblème national est le drapeau tricolore, bleu, blanc, rouge.
L’hymne national est « La Marseillaise ».
La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité ».

Son principe est : gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.”
Constitution Française du 04 Octobre 1958 en vigueur

Il en résulte que TOUTES les écoles privées qui pratiquent l’immersion en langues régionales se retrouvent ILLEGALES en France ! Alors que pour certaines, cela fait quasiment 50 ans qu’elles existent !

Bretons, Basques, Catalans et Occitans montent au créneau ! Ils ne comprennent pas la décision du Conseil Constitutionnel. Des députés marquent aussi leur incompréhension. Même des députés de la majorité condamnent ce recours contre les langues régionales !
Emmanuel Macron, lui, écrit sur sa page Facebook le 26 mai dernier : “Les langues de France sont un trésor national. Toutes, qu’elles soient issues de nos régions en métropole ou de nos territoires d’outre-mer, ne cessent d’enrichir notre culture française.
Depuis des décennies, un mouvement majeur de transmission par l’école immersive, au travers d’associations comme Diwan, Seaska, les Calendretas, Bressola, ABCM et d’autres, a fait vivre ces langues et a garanti leur avenir.(…)”

Quant au Député Paul Molac, l’instigateur de cette loi relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion, il félicite la prise de position du chef de l’État mais souligne qu’étant en attente des Présidentielles, il espère que ce n’est pas une manœuvre électorale !
Il demande également un Projet de Loi Constitutionnelle en urgence pour modifier l’article 2 de la Constitution.

Ce lundi 7 juin, Le 1er Ministre Jean Castex commande une mission, à deux députés, sur les enseignements immersifs au sein des écoles privées en Contrat d’association avec l’État. Son objectif : tirer les conséquences de cette décision du Conseil Constitutionnel sur le devenir de ces écoles.

 

 

Comment se fait-il que les 2 plus hautes instances de l’État (Président et 1er Ministre) se positionnent de façon ambiguë alors que le gouvernement était contre la proposition de la Loi Molac ?
N’est ce pas en relation avec les élections régionales à court terme ou les élections présidentielles de l’année prochaine ?
Cela est pour le moins douteux…

 

Myriam Pommelec- Juin 2021