L'Agriculture des années 1940 à nos jours... (1ère Partie)
Le Discord Réfractaire fait un retour sur l’évolution de l’Agriculture de 1940 à nos jours. Ces articles ont été l’occasion de faire des recherches en lien avec l’évènement d’éducation populaire prévu le 25 avril prochain sur le Discord du Canard Réfractaire !

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Comment l’articulation de l’agriculture, de l’environnement et de l’alimentation se déroule à la sortie de la guerre ?
Durant les années d’occupation par les Allemands (1940-1944), les villes françaises ont été fortement impactées et soumises à des restrictions alimentaires.
Dans les campagnes, l’agriculture a pu assurer l’approvisionnement nécessaire au pays jusqu’en Juin 1940.
Le 10 juillet 1940 le gouvernement de Pétain s’installe à Vichy. Ce gouvernement soumet le pays aux dures conditions de l’Armistice et les familles ont de plus en plus de difficultés à s’alimenter. Lors de la “Loi” du 16 Août 1940 {1} est réalisée la toute première tentative de planification de l’économie capitaliste en France.
Mais avec l’armistice et l’occupation, la situation dans les campagnes change brutalement. Avec au moins 500 000 agriculteurs prisonniers en Allemagne et la réquisition des chevaux, puisque le carburant fait défaut, les rares tracteurs de l’époque sont à l’arrêt. Les engrais sont exportés vers l’Allemagne ce qui impacte la production et entamme une baisse significative de la production alimentaire pour le pays. La nourriture manque dans les villes : l’occupant prélève une partie des récoltes, taxe le commerce des denrées et désorganise les transports.
Les nazis veulent faire de la France une nation agricole au service d’une Allemagne industrielle. Les contraintes de l’agriculture se multiplient à cause du déficit de la production et des exigences allemandes. Les paysans doivent déclarer leurs récoltes, exécuter des livraisons obligatoires et sont taxés sur leurs prix de vente. Les conditions de travail deviennent plus dures par manque de moyen tant matériel qu’humain, ce qui entraine une baisse de production.
Le 21 janvier 1941, le gouvernement nomme les vingt-six membres de la Commission nationale d’organisation corporative dont La Corporation paysanne {2} qui descend d’un des mouvement paysans les plus conservateurs de France, l’agrarisme*. Après l’éviction des courants de gauche, elle devient un organe de contrôle des agriculteurs et un moyen de collecte de la production entraînant un rationnement alimentaire.
* Courant idéologique présentant l’agriculture et le monde rural comme des ensembles économiques et sociaux spécifiques et solidaires. www.larousse.fr
Tous les agriculteurs ne partagent pas ces idées et forment une résistance paysanne qui deviendra, en 1944, la Confédération Générale de l’Agriculture, la CGA, structurée par les partis de gauche.
Vers 1943, la situation s’améliore légèrement, les économies forcées deviennent des gains, ce qui permet une meilleure alimentation, mais qui provoque un malaise entre les gens des villes et les paysans. La résistance paysanne prône la solidarité entre les paysans et les gens des villes et prépare des projets pour un développement de l’agriculture en prévision d’une France libre.
A côté de tout cela, il y a également la JAC {3} Jeunesse Agricole Catholique, créée par des jeunes et des prêtres en 1929.
En cette période d’occupation, le mouvement de la JAC se scinde en deux : en zone libre, elle a l’appui du gouvernement de Pétain et garde son autonomie mais au Nord, elle doit se faire plus discrète.

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La course à la modernisation
Suite aux plans Monnet et Marshall {4} en 1946/1947, on note une accélération de la modernisation agricole. On observe une France presque coupée en deux. Au Nord, des paysans qui n’ont d’autres choix que de moderniser leur exploitation ou de la cèder et rejoindre les villes. Au sud, le relief peu propice à l’utilisation des machines garde une paysannerie diversifiée. D’un côté, on trouve les campagnes figées avec des paysans qui disparaissent pour se reconvertir dans l’industrie et d’un autre côté, les campagnes plus dynamiques avec des paysans qui doivent s’intégrer rapidement à la modernité s’ils ne veulent pas disparaître.
A la sortie de la guerre, les campagnes sont encore sous le choc et la production agricole ne représente plus que 2/3 de celle de 1938. Pour combler le déficit de production, le pays doit importer des produits alimentaires. Le rationnement alimentaire durera jusqu’en 1949.
L’exode rural est un phénomène continu et déjà connu depuis 1929. Le tissu social rural à la sortie de la guerre est déjà bien destructuré. Cet exode autour des sites industriels est le résultat de la difficulté pour les artisans de concurrencer les produits manufacturés et la promesse d’une vie meilleure (temps de travail et congés payés, etc). De 1945 à 1962, la population agricole masculine diminue de 1,5 million de personnes.
Sur les petites exploitations de moins de 10 Ha, elle baisse de 20% et de 10% sur les exploitations de moins de 20 Ha. “En parallèle, le nombre des tracteurs passe de 30 000 en 1946 à 140 000 en 1950 et 680 000 en 1960. L’augmentation est encore plus importante pour les moissonneuses-batteuses et les motoculteurs. Cette motorisation touche tous les types d’exploitations, modifiant les conditions de travail, éliminant peu à peu les animaux de trait, transformant les systèmes de production. En outre, l’achat du nouveau matériel amène les agriculteurs à faire appel au crédit. Nombreux sont ceux qui s’endettent lourdement, parfois en se “sur-équipant””.
Dans cette course à la modernisation, le Crédit Agricole couvre les emprunts des agriculteurs alors que la paysannerie se méfie toujours de l’endettement comme de l’épargne en banque. Pour autant, entre 1937 et 1960, la part de l’endettement auprès du Crédit Agricole passe de 40% à 60%.
“D’autres changements se produisent durant cette période, la quantité d’engrais utilisée double entre 1949 et 1963 ; des espèces de blé et maïs plus performantes sont diffusées ; la culture des fourrages se répand. Les herbicides et pesticides sont largement produits par l’industrie chimique. Enfin le cheptel est amélioré par l’utilisation de l’insémination artificielle. le rendement en blé passe, entre 1946 et 1956, de 16 à 21 quintaux/ hectare, le rendement en lait de 1 390 à 2 000 litres de lait par vache et par an. La productivité du travail a doublé en 10 ans.”
Plus tard, cette modernisation sera discutée au sein des instances issues de la JAC. Les travailleurs paysans, témoins de l’évolution dramatique de leur situation dans les campagnes, seront tiraillés entre amélioration des moyens de productions et de défense des petites fermes traditionnelles.


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Quelques liens :
{1} https://fr.wikipedia.org/wiki/Comit%C3%A9_d%27organisation_(Vichy)
{2} https://fr.wikipedia.org/wiki/Corporation_paysanne
{3} https://fr.wikipedia.org/wiki/Jeunesse_agricole_catholique
{4} https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_Monnet https://fr.wikipedia.org/wiki/Plan_Marshall
https://ecoledespaysans.over-blog.com/2018/12/evolution-de-l-agriculture-francaise-de-1918-a-1945-2003.html
https://www.persee.fr/doc/reco_0035-2764_1955_num_6_1_407093
Texte en italique tiré de : https://ecoledespaysans.over-blog.com/2018/11/agriculture-et-milieu-rural.evolutions-et-transformations-1945-1980-1985.html
Le Discord Réfractaire – Avril 2021
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