Internet ou l’omniscience programmée

Depuis qu’Internet s’est popularisé, l’accès à l’information n’a jamais été aussi simple.
Qu’importe où l’on est dans le monde, avoir un accès à internet signifie, le plus souvent, qu’il nous sera possible de consulter la plus grande encyclopédie jamais inventée, d’accéder à des vidéos sur tous les sujets imaginables, ou encore, si l’envie nous prend, de créer des contenus sur le sujet de notre choix.

Cette facilité d’accéder ou de contribuer à l’information a ouvert une ère où toutes et tous peuvent désormais contribuer au savoir commun de l’humanité pour peu qu’ils aient accès à internet. Je peux aujourd’hui, assez simplement, faire une vidéo sur l’origami, ou partager une recette de cuisine ancestrale au plus grand nombre.

Les algorithmes rois

Pourtant, le numérique est soumis à un principe inhérent à toute technique : il est ambivalent.
Si nous avons effectivement accès à plein d’informations facilement, celles-ci peuvent vite devenir trop nombreuses, trop conséquentes, pour pouvoir les gérer facilement.
Avec l’avènement des réseaux sociaux, nous sommes submergés d’informations et devons nous contraindre à employer des filtres mentaux… ou laisser des algorithmes — des sortes de recette de cuisine pour ordinateur, expliquant à celui-ci ce qu’il doit faire —, comme ceux de Gmail, choisir quelle information nous devrions lire ou non… quitte à ce que ces algorithmes se trompent.

Ainsi, plus nous laissons des algorithmes choisir à notre place, plus nous nous soumettons à ces choix.
La conséquence directe est la perte progressive de notre autonomie, notre capacité à faire des choix.

Un mail qui semble être une pub ? Gmail le trie pour moi, je ne le verrai pas.
Un site qui n’est pas assez populaire, ne respecte pas les règles de sémantique de Google ? Il sera perdu dans les limbes du moteur de recherche, je ne le verrai pas.
Une amie poste un contenu sur Facebook avec lequel l’algorithme du fil d’actualité estime que je n’interagirai pas ? Je ne le verrai pas.
Quid si j’avais envie de sortir de ma zone de confort, d’explorer du contenu méconnu, avec lequel je ne suis pas d’accord, pour construire mon esprit critique ? Cela me serait difficile en utilisant les outils fermés comme YouTube ou Facebook.

Dans un environnement numérique où les algorithmes sont décisionnaires de l’information à laquelle nous avons le droit d’accéder, nous nous retrouvons peu à peu dans un état d’isolement intellectuel où faire évoluer notre pensée demande un effort supplémentaire. Celui nécessaire à se soustraire à ces algorithmes.

Reprendre le contrôle

Pourtant, cela nous est possible.
Nous pouvons envisager d’autres moyens pour éduquer ou nous éduquer collectivement.

Nous pouvons, par exemple, abandonner les logiciels propriétaires et soumis à une forte censure comme Google, YouTube ou Facebook pour chercher du contenu.
Nous pouvons aussi, en tant que créateurs, utiliser des réseaux sociaux libres et décentralisés — c’est-à-dire qui ne sont pas dépendants de la seule volonté de la personne qui les a créés.
Plutôt que YouTube, utilisons PeerTube !
Plutôt que Twitter, utilisons Mastodon !
Plutôt que de laisser Google définir ce que je dois rechercher, apprenons à construire nos recherches sur n’importe quel moteur de recherches, qu’il soit DuckDuckGo ou Mojeek.

Pour pouvoir permettre une démarche d’éducation populaire la plus libérée du système que possible, il nous faut utiliser des outils libres.

Le Discord Réfractaire – Février 2021